Logo

La perfection

No. 76 – La perfection
Hébreux 6,1
1784

Tous droits réservés.
Édition numérique © cmft, octobre 2017



« … pour nous élever à une perfection d’adulte » (Hébreux 6,1)


Voici tout le passage, où se trouvent ces paroles : ‘Ainsi donc, laissons l’enseignement élémentaire sur le Christ pour nous élever à une perfection d’adulte, sans revenir sur les données fondamentales : repentir des œuvres mortes et foi en Dieu’ ; ce que l’Apôtre venait précisément d’appeler, ‘les tout premiers éléments des paroles de Dieu’, et la nourriture qui convient ‘aux bébés’, à ceux qui viennent d’éprouver que le Seigneur est miséricordieux.

L’Apôtre fait sentir dans les paroles qui suivent, qu’il est de la dernière importance que nous accomplissions ce devoir : ‘C’est ce que nous ferons, si Dieu, le permet. Car il est impossible que ceux qui ont été une fois illuminés, et qui ont goûté la bonne parole de Dieu, et les puissances du siècle à venir, s’ils retombent, soient renouvelés à la repentance’ ; c’est comme s’il avait dit : si nous ne tendons pas à la perfection, nous sommes fortement en danger de retomber ; et si nous retombons, il est impossible, c’est-à-dire, extrêmement difficile, que nous soyons renouvelés à la repentance.

Afin de rendre cet important passage aussi intelligible que possible, je m’efforcerai,
I. De montrer en quoi consiste la perfection ;
II De réfuter quelques objections et,
III. De raisonner un peu avec ceux qui y sont opposés.


[I.] 1. Je m’efforcerai de montrer en quoi consiste la perfection.
Et, d’abord, je ne pense pas que la perfection, dont il est fait mention ici, soit la perfection des anges. Comme ces êtres glorieux n’ont jamais abandonné leur condition primitive, qu’ils ne sont jamais déchus de leur perfection originelle, toutes leurs facultés naturelles sont demeurées intactes : leur intelligence surtout est toujours une lumière brillante ; leur conception de toutes choses est claire et distincte, et leur jugement est constamment exact. Donc, quoique leur intelligence soit bornée (car ce sont des créatures), quoiqu’ils ignorent une foule de choses, ils ne sont cependant pas sujets à se tromper : leur connaissance est parfaite dans son genre, et leurs affections étant toutes constamment dirigées par leur intelligence infaillible, tellement que leurs actions sont toutes convenablement basées sur elle, ils n’agissent jamais selon leur propre volonté, mais selon l’agréable et bonne volonté de Dieu. Or il n’est pas possible que l’homme, dont l’intelligence est bornée, pour qui l’erreur est aussi naturelle que l’ignorance, qui ne saurait réfléchir que par le moyen d’organes affaiblis et dépravés, semblables aux autres parties de son corps corruptible ; il n’est pas possible, dis-je que l’homme pense toujours comme il convient, qu’il conçoive toujours les choses clairement, ni qu’il en juge toujours sainement. Ses affections dépendant aussi de son intelligence, elles sont plus ou moins altérées : et ses paroles et ses actions sont aussi plus ou moins et sous l’influence de la confusion de son intelligence et sous l’influence de ses penchants mauvais. Il s’ensuit de là qu’aucun homme, aussi longtemps qu’il est revêtu de ce corps mortel, ne saurait atteindre à la perfection des intelligences célestes.

2. L’homme, tandis qu’il a son enveloppe corruptible, ne saurait pas non plus parvenir à la perfection d’Adam. Adam, avant sa chute, était assurément aussi pur, aussi exempt de péché, que les saints anges. Son intelligence était aussi éclairée que la leur, et ses penchants tout aussi bien réglés. D’après cela, comme il jugeait toujours sainement, il pouvait aussi toujours parler et agir comme il convenait. Mais depuis que l’homme s’est révolté contre Dieu, il en est bien autrement : il ne peut plus éviter de tomber dans une foule d’erreurs ; partant il ne peut pas non plus se soustraire à ses mauvais penchants, pas plus qu’il ne saurait toujours penser, parler et agir convenablement. C’est pourquoi, dans son état présent, il ne peut pas plus atteindre à la perfection d’Adam qu’à celle des anges.

3. La plus haute perfection à laquelle l’homme puisse parvenir, tandis que son âme habite le corps, ne l’affranchit ni de l’ignorance, ni de l’erreur, ni de mille autres faiblesses. Or, des jugements erronés, découleront nécessairement parfois des paroles et des actions erronées ; et, en plusieurs circonstances, de mauvais penchants résulteront également de la même cause : je puis mal juger de vous ; je puis avoir une opinion plus ou mains favorable de vous ; et celle erreur dans mon jugement peut non-seulement occasionner quelque erreur dans ma manière d’agir, mais elle peut avoir un résultat bien plus grave encore : elle peut influencer même en mal mes affections. Par suite de ces notions fausses, je puis vous aimer et estimer plus que je ne devrais ou moins que cela ne conviendrait. Il me serait impossible de n’être pas exposé à commettre de telles erreurs, aussi longtemps que j’habite dans un corps corruptible. Mille faiblesses accompagneront conséquemment mon âme, jusqu’à ce qu’elle retourne à Dieu qui l’a créée. En maintes occasions aussi, elle néglige de se conformer à la volonté de Dieu, de même qu’Adam le fit dans le paradis. C’est pourquoi les meilleurs des hommes peuvent dire, du fond de leur cœur : —À chaque instant, Seigneur, j’ai besoin des mérites de ta mort, à cause des nombreuses violations de la loi d’Adam, aussi bien que de celle des créatures célestes. — Il est donc heureux pour nous que nous ne soyons plus sous ces lois, mais sous la loi de l’amour. ‘L’amour est’ maintenant ‘l’accomplissement de la loi’, qui a été donnée à l’homme déchu. Celle-ci est actuellement, quant à nous, la loi parfaite. Cependant, par la faiblesse de notre entendement, nous sommes encore à tout moment exposés à la transgresser. Tout homme vivant a donc besoin du sang de l’expiation, sans cela il ne pourrait pas subsister devant Dieu.

4. Quelle est donc la perfection dont l’homme est susceptible, tandis qu’il est revêtu d’un corps corruptible ? C’est l’obéissance à ce doux commandement : ‘Mon fils, donne-moi ton cœur ; c’est aimer le Seigneur ton Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée.’ Tel est le séminaire de la perfection chrétienne : elle est entièrement comprise dans ce seul mot : Amour. Le point principal en est l’amour de .Dieu ; et, comme celui qui aime Dieu aime aussi son frère, il est intimement lié au second : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’ : tu aimeras chaque homme comme ton âme, de même que Christ nous a aimés ; ‘de ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes’ : ils renferment tout ce qui constitue la perfection chrétienne.

5. L’Apôtre nous présente une autre vue de ce sujet dans ces paroles : ‘Que l’esprit qui a habité en Jésus-Christ, habite également en vous.’ Car, bien que ces paroles se rapportent immédiatement et directement à l’humilité de notre Seigneur, elles peuvent cependant être prises dans un sens beaucoup plus étendu : on peut dire qu’elles se rapportent à toute la disposition de son âme, à toutes ses affections, à tous ses penchants, tant envers Dieu qu’envers les hommes. Or, il est certain que comme il ne s’est pas trouvé de mauvaises affections en lui, aucune bonne inclination ou penchant ne peut lui avoir manqué. De sorte que, quelque chose sainte que ce soit, quelque chose aimable que ce soit, toutes se trouvent renfermées dans l’esprit qui était en Jésus-Christ.

6. St. Paul, lorsqu’il écrit aux Galates, place la perfection sous un autre point de vue encore. Elle est le seul et indivisible fruit de l’Esprit ; ce qu’il décrit ainsi : ‘le fruit de l’Esprit est la charité, la joie, la paix, un esprit patient, la bonté, la bienveillance, la fidélité,’ (c’est ainsi que ce mot doit être traduit ici), ‘la douceur, la tempérance’. Quel glorieux assemblage de grâces se trouve ici ! Supposons maintenant que toutes ces choses- n’en fassent qu’une, et qu’elles se trouvent réunies dans l’âme du fidèle, c’est là la perfection chrétienne.

7. Il écrit en outre aux chrétiens d’Éphèse : de ‘revêtir le nouvel homme, qui est créé selon Dieu, en justice et en sainteté’ ; et il parle aux Colossiens, du ‘nouvel homme, renouvelé selon l’image de Celui qui le créa’ ; ce qui s’accorde parfaitement avec les paroles qui se trouvent dans la Genèse : ‘Dieu donc créa l’homme à son image’. Or, l’image morale de Dieu consiste (comme l’Apôtre le fait observer), ‘dans la justice et la vraie sainteté’. Elle est totalement effacée par le péché ; et nous ne pouvons jamais la recouvrer, jusqu’à ce que nous soyons créés de nouveau en Jésus-Christ. C’est ce qui constitue la perfection.

8. St. Pierre la définit encore dans des termes différents, quoiqu’il tende au même but : ‘comme Celui qui vous a appelés est saint, vous aussi de même soyez saints dans toute votre conduite’. (I Pierre 5 ;15). Suivant cet Apôtre le mot perfection n’est qu’un autre nom de la sainteté universelle : justice intérieure et extérieure; sainteté de vie provenant de la sainteté du cœur.

9. Si quelques expressions peuvent paraître plus fortes que celles-là, ce sont, celles de St. Paul aux Thessaloniciens : (I Thess. 5 ;23). ‘Le Dieu de paix veuille vous sanctifier lui-même, parfaitement, et que tout ce qui est en vous, l’esprit, l’âme et le corps,’ (c’est la traduction littérale) ‘soit conservé irrépréhensible pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ.’

10. Nous ne saurions mieux représenter cette sanctification qu’en rapportant cette exhortation de l’Apôtre : ‘je vous conjure, mes frères, par les miséricordes de Dieu, d’offrir vos corps’ (vous-mêmes, votre âme et votre corps ; une partie pour le tout, d’après une figure ordinaire du langage) ‘en sacrifice virant à Dieu’ ; à qui vous avez été consacrés depuis plusieurs années par le baptême. Lorsqu’on offre maintenant à Dieu ce qui alors lui a été consacré, l’homme de Dieu est vraiment parfait.

11. St. Pierre dit à ce même sujet : (I Pierre 2 :5) ‘vous êtes de saints sacrificateurs, pour offrir des sacrifices spirituels et agréables à Dieu, par Jésus-Christ’. Mais quels sacrifices devons-nous offrir, maintenant que la dispensation des juifs est arrivée à son terme ? Si vous vous êtes vraiment offerts à Dieu, vous lui offrez continuellement toutes vos pensées, vos paroles et vos actions, par le Fils de sou amour, en sacrifice de louanges et d’actions de grâces.

12. Ainsi vous voyez que celui dont le nom est Jésus, ne porte pas ce nom en vain ; qu’il sauve réellement son peuple de ses péchés ; la racine aussi bien que les branches. Et ce salut du péché, de tout péché, est une autre définition de la perfection ; quoique, certes, elle n’en exprime que la moindre partie, la partie la moins importante, rien que la partie négative de ce grand salut.


II. Je me suis proposé, en second lieu, de répondre à quelques objections présentées contre cet exposé évangélique de la perfection.

1. Une objection très-ordinaire c’est que dans la parole de Dieu il ne se trouve pas de promesse à son sujet. S’il en était ainsi, nous devrions y renoncer ; nous n’aurions plus de base pour élever notre édifice : car les promesses de Dieu sont l’unique fondement de nos espérances. Mais, certes, il y a une promesse bien claire et bien explicite que nous aimerons tous le Seigneur notre Dieu de tout notre cœur. C’est ainsi que nous lisons : (Deutéronome 30 :6) ‘Alors je circoncirai ton cœur, et le cœur de ta postérité, afin que tu aimes l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme.’ Non moins expresse est la parole de notre Seigneur, également une promesse, quoique sous la forme d’un ordre : ‘tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée.’ (Matt. 22 :37). Nulle expression ne pourrait être plus positive que ces paroles : aucune promesse ne saurait être plus précise. De même : ‘tu aimeras ton prochain comme toi-même’, est une promesse aussi expresse qu’un commandement.

2. En effet, cette promesse générale et illimitée, qui se remarque dans la dispensation entière du saint Évangile, ‘je graverai mes lois dans leurs esprits, et je les écrirai dans leurs cœurs’, change tous les ordres en promesses ; et, par conséquent, entre autres, cet ordre ci : ‘que cet esprit soit en vous qui était en Jésus-Christ’. Ici l’ordre équivaut à une promesse, et nous permet avec raison d’espérer qu’il opérera au-dedans de nous ce qu’il demande de nous.

3. Quant au fruit de l’Esprit, l’Apôtre, en affirmant que ‘le fruit de l’Esprit est l’amour, la joie, la paix, un esprit patient, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la tempérance’, affirme, en effet, que le St. Esprit produit l’amour el les autres dispositions pieuses au-dedans de ceux qui sont conduits par lui. De sorte que, ici encore, nous avons un fondement solide sur lequel nous pouvons nous appuyer ; ce passage équivalant également à une promesse, et nous assurant que toutes ces dispositions seront produites en nous, pourvu que nous soyons conduits par le St. Esprit.

4. Et lorsque l’Apôtre dit aux Éphésiens : (Éph. 4 :21, 24) ‘Vous avez appris, conformément à la vérité que Jésus-Christ a enseignée, d’être renouvelés dans votre esprit et dans votre entendement, et à vous revêtir du nouvel homme créé à l’image de Dieu, dans une justice et une sainteté véritables’, il ne nous permet pas de douter, que Dieu nous ‘renouvellera dans notre esprit et dans notre entendement’, et qu’il ‘nous créera de nouveau’ à son image à laquelle nous avons été créés au commencement ; sans cela on ne pourrait pas dire : que c’est la vérité, ‘telle qu’elle est en Jésus-Christ’.

5. Le commandement de Dieu, donné par St. Pierre : ‘comme celui qui vous a appelés, est saint, vous aussi de même, soyez saints dans toute votre conduite’, renferme une promesse que nous serons saints de même, si nous ne manquons pas à nous-mêmes. Rien ne saurait manquer, du côté de Dieu; comme il nous a appelés à la sainteté, il veut, de même qu’il peut, faire naître cette sainteté au dedans de nous. Car il ne peut vouloir se moquer de ses faibles créatures, en nous appelant à recevoir ce qu’il n’a pas l’intention de nous donner. On ne saurait nier qu’il nous appelle à cela, c’est pourquoi il nous le donnera, si nous obéissons à cet appel divin.

6. La prière de St. Paul pour les Thessaloniciens, savoir que ‘Dieu veuille les sanctifier lui-même parfaitement, et que tout ce qui est en eux, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible’, sera sans nul doute, exaucée en faveur de tous les enfants de Dieu, aussi bien que de ceux de Thessalonie. Par là tous les chrétiens sont encouragés à attendre la même bénédiction du Dieu de paix : c’est à dire, qu’ils sont également ‘sanctifiés parfaitement, l’esprit, l’âme et le corps’ ; et que tout ce qui ‘est en eux sera conservé irrépréhensible pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ.’

7. Mais la grande question est de savoir s’il y a dans l’Écriture sainte quelque promesse que nous serons sauvés de nos péchés. Certainement il y en a. Telle est celle-ci Ps. 130 :8 : ‘Il rachètera Israël de tous ses pèches’ ; laquelle répond parfaitement à ces paroles de l’ange : ‘Il sauvera son peuple de ses péchés’. Et, certes, il a le pouvoir de sauver, au plus haut degré, ceux qui vont à Dieu par lui. Telle est encore cette glorieuse promesse faite par le prophète Ézéchiel : (Ézech. 36 :25, 27) ‘et je répandrai sur vous des eaux pures, et vous serez nettoyés ; je vous nettoierai de toutes vos souillures et de tous vos dieux infâmes. Je vous donnerai un nouveau cœur, et je mettrai en vous un esprit nouveau : j’ôterai le cœur de pierre de votre chair, et je vous donnerai un cœur de chair. Et je mettrai mon esprit en-dedans de vous, et je ferai que vous marcherez dans mes statuts, et que vous garderez mes ordonnances, et que vous les pratiquerez.’ Telle est (pour n’en pas rapporter davantage) celle prononcée par Zacharie : (Luc 1 :72, 75). ‘Selon le serment qu’il avait fait à Abraham, notre père, de nous accorder, qu’après avoir été délivrés de la main de nos ennemis’ (et tels sont, sans aucun doute, tous nos péchés), ‘nous le servirions sans crainte, dans la sainteté et dans la justice en sa présence, tous les jours de notre vie.’ La dernière partie de cette promesse est surtout digne de toute notre attention. De peur que quelqu’un ne dise : Bien, nous serons sauvés de nos péchés, lorsque nous serons morts ; — cette clause, tous les jours de notre vie, a été ajoutée fort à propos comme pour obvier à cette assertion. Sur quel fondement donc quelqu’un pourrait-il affirmer que personne ne jouira jamais de cette délivrance avant sa mort ?

8. Mais, disent quelques personnes : telle ne peut pas être la signification de ces paroles, car la chose est impossible. — Elle est impossible aux hommes : mais les choses qui sont impossibles aux hommes, sont possibles à Dieu. — Mais cela est impossible de sa nature : car il y aurait contradiction à dire, qu’un homme puisse être sauvé de tous ses péchés, tandis qu’il est dans un corps pécheur.
Il y a une grande force dans cette objection. Peut-être convenons-nous en grande partie de l’objet de votre contestation. Nous sommes déjà convenus que, tandis que nous nous trouvons dans un corps, nous ne pouvons être entièrement exempts d’erreur. Malgré toutes nos précautions, nous serons, en bien des circonstances, exposés à juger erronément. Et une erreur dans le jugement donnera souvent lieu à une erreur dans la pratique. Un jugement faux peut même faire naître quelque chose dans le caractère ou dans les affections, qui ne soit pas exactement bon : Il peut occasionner des craintes inutiles ou des espérances mal fondées, un amour déraisonnable ou une aversion injuste. Mais tout cela n’est nullement incompatible avec la perfection dont il a été fait mention plus haut.

9. Vous dites : oui, cela est incompatible avec le dernier point, et ne saurait exister avec la délivrance du péché. — Je réponds, que cela s’accorde parfaitement avec la délivrance du péché, d’après cette définition du péché (que je pense être conforme à la définition qui en est donnée dans l’Écriture sainte :) une transgression volontaire d’une loi connue. — Cependant, toute transgression de la loi de Dieu, qu’elle soit volontaire ou non, est un péché ; car St. Jean dit : ‘tout péché est une transgression de la loi.’ — Il est vrai ; mais il ne dit pas : toute transgression de la loi est un péché. Je nie cette dernière assertion ; que celui qui peut la prouver, la prouve.
Pour parler vrai, ceci n’est qu’un simple jeu de mots. Vous dites que personne n’est sauvé du péché, selon le sens que vous attachez à ce mot ; mais moi, je n’y attache pas le même sens, parce que ce mot n’a jamais ce sens dans l’Écriture. Et vous ne pouvez pas nier la possibilité d’être sauvé du péché, selon le sens que j’attache à ce mot. Et tel est le sens dans lequel le mot péché est pris dans toute l’Écriture.
Mais il est certain que nous ne pouvons être sauvés du péché, tandis que nous sommes dans ce corps corrompu. — Un corps corrompu ? Je vous prie d’observer combien cette expression est ambiguë et équivoque. Aussi n’est-elle fondée sur aucun passage de l’Écriture : jamais on n’y rencontre les mots, corps corrompu. Or, ils sont aussi absurdes qu’anti-bibliques ; car tout corps, toute matière, de quelque nature qu’elle soit, ne peut être corrompue ; l’esprit seul est susceptible de pécher. Je vous prie de me dire dans quelle partie du corps le péché pourrait se trouver. Il ne saurait habiter ni dans la peau, ni dans les muscles ou les nerfs, ni dans les veines ou les artères ; il ne peut exister dans les os, pas plus que dans les cheveux ou les ongles. L’âme seule peut être le siège du péché.

10. Mais St. Paul lui-même ne dit-il pas : ‘ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu.’ — Je crains que ces paroles n’aient trompé beaucoup d’âmes inconsidérées ; auxquelles il aura été dit que ces mots : ceux qui sont dans la chair, signifient la même chose que : ceux qui sont dans le corps. Non, rien n’est plus faux. La chair, dans ce passage, ne signifie pas plus le corps qu’elle ne signifie l’âme. Abel, Énoch, Abraham, et cette foule de témoins rapportés par St. Paul dans le onzième chapitre de son épître aux Hébreux, plurent à Dieu, quoiqu’ils fussent encore dans leurs corps : ainsi qu’il le certifie lui-même. C’est pourquoi cette expression ne représente ici ni plus ni moins que ceux qui sont incrédules, ceux qui sont dans leur état naturel, ceux qui sont sans Dieu dans le monde.

11. Mais considérons en les raisons. Pourquoi le Tout-Puissant ne pourrait-il pas sanctifier l’âme tandis qu’elle est dans le corps ? Ne pourrait-il tout aussi bien vous sanctifier pendant que vous êtes dans cette maison que si vous étiez en plein air ? Les murailles de briques ou de pierres pourraient-elles l’en empêcher ? Ces murs de chair et de sang ne sauraient l’empêcher davantage de vous sanctifier entièrement. Il peut tout aussi aisément vous sauver de tout péché dans le corps que hors du corps.
Mais a-t-il donc promis de nous sauver du péché tandis que nous sommes dans le corps ? Oui, certes il l’a promis ; car, dans tout commandement de Dieu se trouve renfermée une promesse; conséquemment aussi dans celui-ci : ‘tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée’, car ce commandement et tous les autres ont été donnés, non pas aux morts, mais aux vivants. Il est aussi exprimé dans les paroles citées plus haut, que nous devons ‘marcher dans la sainteté devant lui tous les jours de notre vie’.
Je me suis arrêté un peu plus longtemps sur ce point, parce que c’est le principal argument de ceux qui sont opposés à la délivrance du péché ; et aussi parce qu’on n’y avait pas encore répondu d’une manière aussi étendue ; tandis qu’on a répondu cent et cent fois aux arguments tirés de l’Écriture.

12. Mais il y a encore une objection bien plus plausible, tirée de l’expérience, savoir qu’il n’existe pas de témoin vivant de cette délivrance du péché.
(1) Pour y répondre, je conviens, qu’il n’y en a pas beaucoup. Même dans ce sens, il n’y a pas beaucoup de pères. Tel est l’endurcissement de notre cœur, telle est notre lenteur à croire ce que les prophètes et les Apôtres ont dit, qu’il n’y a que peu, fort peu de véritables témoins de ce grand salut.
(2) Je conviens qu’il y a de faux témoins, qui trompent leurs âmes et parlent de choses qu’ils ne connaissent pas, ou qui prononcent des mensonges avec hypocrisie. Et je me suis souvent étonné qu’il n’y en ait pas plus de ces deux espèces. Il n’est pas surprenant que des hommes d’une imagination ardente se trompent sur ce point. Beaucoup font la même chose quant à la justification : ils s’imaginent être justifiés, tandis qu’ils ne le sont pas. Mais quoiqu’il y en ait beaucoup qui se l’imaginent à tort, il y en a cependant plusieurs qui sont vraiment justifiés. De même, quoiqu’il y en ait beaucoup qui s’imaginent être sanctifiés, et qui ne le sont pas, il y en a cependant plusieurs qui le sont réellement.
(3) Je conviens qu’il y a des personnes qui ayant autrefois joui d’un salut parfait, l’ont maintenant totalement perdu. Elles ont marché autrefois dans une glorieuse liberté, donnant tout leur cœur à Dieu, se ‘réjouissant toujours davantage, priant sans cesse, et rendant grâces en toutes choses’. Mais il n’en est plus ainsi. Elles sont maintenant dépourvues de leur force, et sont semblables aux autres hommes. Peut-être cependant ne renoncent-elles pas à leur confiance ; elles ont encore le sentiment de son amour miséricordieux. Mais c’est précisément cette confiance qui est souvent assaillie de doutes et de craintes ; de sorte qu’elles ne la conservent plus qu’en tremblant.

13. C’est précisément cela, disent quelques hommes pieux et intelligents, que nous soutenons. Nous accordons qu’il puisse plaire à Dieu de rendre, pour un temps, quelques-uns de ses enfants saints et heureux d’une manière inexprimable. Nous ne voulons pas nier qu’ils ne puissent jouir de toute la sainteté et de tout le bonheur dont vous parlez. Mais ce n’est que pour un temps ; Dieu n’a jamais dit qu’il en serait ainsi jusqu’à la fin de leur carrière. Conséquemment le péché n’est que suspendu ; il n’est pas détruit. —
Vous affirmez cela ; mais c’est quelque chose de si important, que l’on ne peut en convenir sans avoir de claires et de fortes preuves. Et où sont ces preuves ? Nous savons qu’en général ‘les dons et les appels de Dieu sont sans repentance’ : il ne se repent pas des dons qu’il a accordés aux enfants des hommes. Et où remarque-t-on le contraire relativement à ce don particulier de Dieu ? Pourquoi nous imaginerions-nous qu’il fit une exception concernant le plus précieux des dons d’ici-bas ? Ne pourrait-il pas tout aussi bien nous l’accorder pour toujours que pour un certain temps ? Nous l’accorder pour cinquante ans, aussi bien que pour un jour ? Et comment pourrait-on prouver qu’il ne voulût pas nous continuer cette faveur ? Comment cette supposition, que telle n’est pas sa volonté, peut-elle s’accorder avec l’assertion positive de l’Apôtre ? Lequel, après avoir exhorté les chrétiens de Thessalonique, et en eux les chrétiens de tous les siècles, ‘à se réjouir toujours davantage, à prier sans cesse, et à rendre grâces en toutes choses’, ajoute immédiatement (comme s’il avait eu l’intention de répondre à ceux qui niaient, non le pouvoir, mais la volonté de Dieu d’agir en eux) : car telle est la volonté de Dieu, à votre égard, en Jésus-Christ. Et, il est digne de remarque qu’après avoir donné cette glorieuse promesse (et elle l’est en effet) dans le vingt-troisième verset du chapitre cinq : ‘le Dieu de paix vous veuille sanctifier entièrement, et faire que le tout en vous’ (c’est ainsi qu’il est dit dans l’original) ‘votre esprit entier, et l’âme et le corps, soient conservés sans reproche, en la venue de notre Seigneur Jésus-Christ’ ; il ajoute encore : ‘Celui qui vous appelle est fidèle ; c’est pourquoi il fera ces choses en vous.’ — Il ne veut pas seulement vous sanctifier entièrement, mais il veut vous conserver dans cet état, jusqu’à ce qu’il vienne, pour vous recevoir auprès de lui.

14. Les faits s’accordent parfaitement avec cela. Plusieurs personnes ont joui de cette grâce pendant bien des années, sans aucune interruption. D’autres en jouissent aujourd’hui, et il y en a beaucoup qui en ont joui jusqu’à leur mort, ainsi qu’elles l’ont déclaré à leur dernier soupir ; témoignant avec calme que Dieu les avait délivrés de tout péché, jusqu’à ce que leur esprit retournât auprès de Dieu.

15. Pour ce qui est de la totalité des objections tirées de l’expérience, je désire faire observer en outre, que ces personnes que j’ai en vue, ont atteint la perfection chrétienne, ou ne l’ont pas atteinte. Si elles ne l’ont pas atteinte, quelles que soient les objections que l’on élève contre elles, elles sont loin d’atteindre entièrement au but ; car ce ne sont pas ces personnes-là dont nous parlons : c’est pourquoi, quoiqu’elles soient, ou quoiqu’elles fassent, c’est hors de la question. Mais si elles l’ont atteinte, si elles répondent à la description que nous avons donnée dans les neuf articles précédents, aucune objection raisonnable ne saurait être élevée contre elles : elles sont au-dessus de toute censure ; et elles condamneront fortement toute langue qui s’élève contre elles.

16. Mais je n’ai jamais vu quelqu’un, continue le faiseur d’objections, qui répondit à mon idée sur la perfection. — Cela peut être, et il est probable (ainsi que je l’ai fait observer ailleurs) que vous n’avez jamais vu et ne verrez une telle personne ; car l’opinion que vous vous en formez renferme infiniment trop, savoir : la délivrance de ces infirmités, inséparables d’un esprit qui se trouve réuni à la chair et au sang. Mais si vous vous en tenez à la description qui a été donnée plus haut, et si vous tenez compte de la faiblesse de l’intelligence humaine, vous pouvez voir même aujourd’hui des exemples incontestables d’une perfection véritable, telle qu’elle est dépeinte dans l’Écriture.


III. 1. Dans cette troisième partie il ne nous reste plus qu’à raisonner un peu avec ceux qui sont opposés à cette perfection.
Maintenant qu’il me soit permis de vous demander pourquoi vous êtes si irrités contre ceux qui professent d’être parvenus à cette perfection, et si enragés (je ne saurais donner à cela une qualification plus douce) contre la perfection chrétienne, contre le plus excellent don que Dieu ait jamais accordé aux enfants des hommes ici-bas. Considérez-la dans chacun des points de vue qui précèdent, et voyez ce qu’elle renferme d’odieux ou de terrible, de propre à exciter la haine ou la crainte d’un être raisonnable.
Quelle objection sensée pouvez-vous élever contre un état spirituel dans lequel vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur ? Pourquoi vous en effraieriez-vous ? Cela pourrait-il vous faire tort ? Diminuer votre bonheur dans ce monde ou dans l’autre ? Et pourquoi ne consentiriez-vous pas à ce que d’autres lui donnassent tout leur cœur, ou qu’ils aimassent leur prochain comme eux-mêmes, oui, comme Christ nous a aimés ? Cela est-il à détester, ou un sujet fondé de haine ? Ou bien est-ce la chose la plus agréable de ce monde ? Cela est-il propre à faire naître la terreur, ou cela n’est-il pas plutôt à désirer au plus haut degré ?

2. Pourquoi vous opposez-vous tant à avoir, en-dedans de vous, ‘l’esprit qui était en Jésus-Christ’ ? Toutes les affections, tous les penchants et toutes les dispositions qui se trouvaient en lui tandis qu’il vivait au milieu des hommes ? Comment pourriez-vous être épouvantés de cela ? Vous serait-il désavantageux que Dieu produisit en vous, dès ce moment, tout l’esprit qui se trouvait en Christ ? S’il n’en est pas ainsi, pourquoi empêcheriez-vous les autres de rechercher cette grâce ? Ou pourquoi ceux-là vous déplairaient-ils, qui s’imaginent en avoir été rendus participants ? Y a-t-il quelque chose de plus précieux ou de plus désirable pour tout enfant des hommes ?

3. Pourquoi ne voulez-vous pas jouir de tout le ‘fruit de l’Esprit’, savoir : ‘la charité, la joie, la paix, un esprit patient, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la tempérance’ ? Pourquoi craindriez-vous que toutes ces dispositions fussent créées dans votre âme ? Comme ‘il n’existe pas de loi contre ces choses’, il ne peut non plus être élevé d’objections raisonnables contre elles. Certes, rien n’est plus à désirer que de voir toutes ces qualités prendre de profondes racines dans vos cœurs, dans le cœur de tous ceux qui invoquent le nom de Christ et de tous les habitants de la terre.

4. Quelle raison avez-vous de craindre ou de redouter d’être entièrement ‘renouvelés à l’image de Celui qui vous a créés’ ? Cela n’est-il pas préférable à toute autre chose sous le ciel ? Cela n’est-il pas agréable au plus haut degré ? Que pourriez-vous désirer qui lui fût comparable. Soit relativement à votre âme propre, soit concernant ceux avec qui vous entretenez les liaisons les plus étroites et les plus affectueuses ? Et lorsque vous en jouissez, que vous manque-t-il encore, sinon d’être ‘changé de gloire en gloire, par l’Esprit du Seigneur’ ?

5. Pourquoi auriez-vous quelque répugnance pour une sainteté universelle, qui est la même chose, quoique sous un autre nom ? Pourquoi nourririez-vous encore quelque préjugé à ce sujet, ou en éprouveriez-vous de la crainte ? Soit que vous entendiez par cette expression, de vous voir intérieurement, tout-à-fait conforme à l’image et à la volonté de Dieu, soit de voir votre conduite extérieure entièrement conforme à cette ressemblance ? Pourriez-vous concevoir quelque chose de plus aimable ? De plus désirable ? Mettez de côté, tout préjugé, et vous désirerez, sans aucun doute, de la voir répandue sur toute la terre.

6. La perfection (pour varier nos termes) consiste-t-elle dans la sanctification entière, de l’esprit, de l’âme et du corps ? Quel homme qui aime Dieu et son prochain pourrait avoir quelque chose à opposer à cela, ou conserver quelque crainte à ce sujet ? Dans vos plus beaux moments, ne désirez-vous pas être conséquents, conformes à vous-mêmes, tout foi, tout douceur et tout amour ? — Et supposez que vous soyez un jour mis en possession de cette glorieuse liberté, ne désireriez-vous pas vous maintenir dans cet état ? Être toujours irréprochable, jusqu’à la venue de notre Seigneur Jésus-Christ ?

7. Pourquoi, vous, qui êtes un des enfants de Dieu, éprouveriez-vous de la répugnance ou craindriez-vous de vous présenter, vous, votre âme et votre corps, en sacrifice vivant, saint et raisonnable, à Dieu, à Dieu votre créateur, votre rédempteur, votre sanctificateur ? Y aurait-il quelque chose de plus désirable que de vous dévouer entièrement à Lui ? Et ne désireriez-vous pas que tout le genre humain fut unanime à lui rendre ce service raisonnable ? Certes, personne ne pourrait blâmer cela, sans être l’ennemi de tout le genre humain.

8. Et pourquoi craindriez-vous ou blâmeriez-vous ce qui est naturellement impliqué en ceci, savoir : l’oblation de toutes vos pensées, de toutes vos paroles et de toutes vos actions, en sacrifice spirituel à Dieu, qui lui fut agréable par le sang et par l’intercession de son Fils bien-aimé ? Certes, vous ne pouvez pas nier que cela ne soit bon et avantageux aux hommes, aussi bien qu’agréable à Dieu ; donc, ne prierez-vous pas ardemment que vous et tout le genre humain l’adoriez ainsi en esprit et en vérité ?

9. Permettez-moi de vous adresser encore une question. Pourquoi un homme raisonnable et religieux craindrait-il ou dédaignerait-il la délivrance de tout péché ? Le péché n’est-il donc pas le plus grand mal ici-bas ? Et s’il en est ainsi, ne s’ensuit-il pas naturellement, qu’une entière délivrance du péché est une des plus grandes grâces sur cette terre ? Avec quelle ardeur tous les enfants de Dieu ne devraient-ils donc pas prier, afin de l’obtenir ! Par péché j’entends une transgression volontaire d’une loi connue. Ne voulez-vous pas être délivrés de ce péché ? Redoutez-vous une telle délivrance ? Aimez-vous donc le péché, pour que vous ayez tant de répugnance à en être affranchis ? Certainement non : vous n’aimez pas le diable et ses œuvres ; vous préférez en être entièrement délivrés, et que le péché soit entièrement déraciné de votre corps et de votre cœur.

10. J’ai souvent remarqué, et non sans surprise, que ceux qui sont opposés à la perfection, sont plus acharnés contre elle lorsqu’elle est placée sous ce point de vue, que sous tout autre. Ils conviendront de tout ce que vous direz de l’amour de Dieu et des hommes, de l’esprit qui était en Christ; du fruit de l’Esprit, de l’image de Dieu, de la sainteté universelle, de l’entier renoncement à soi-même, de la sanctification de l’esprit, de l’âme et du corps, même du sacrifice de toutes nos pensées, paroles et actions, en oblation à Dieu, ils conviendront de tout cela, pourvu que nous convenions que le péché, ne fut-ce qu’un péché peu important, demeure en nous jusqu’à notre mort.

11. Je vous prie de comparer cela avec ce passage remarquable dans la « Guerre sainte » de Jean Bunyan : — Lorsque Emmanuel, dit-il, eut chassé Diabolus et toutes ses forces hors de la ville de Mansoul, Diabolus se décida à adresser une pétition à Emmanuel, afin qu’il voulût lui accorder une faible partie de la ville. Cette demande ayant été rejetée, il le pria de ne lui laisser qu’une petite place dans les murs de la ville. Mais Emmanuel lui répondit, qu’il ne lui serait pas accordé la moindre petite place, pas même pour y poser la plante de son pied.

12. Non, dit un grand homme, — c’est la plus grande des erreurs ; je la hais da tout mon pouvoir ; je la combats par le monde entier, avec le feu et le glaive. — Mais pourquoi tant d’irritation ? Pensez-vous sérieusement qu’il n’y ait pas ici-bas d’erreur semblable à celle-là ? Il y a en ceci quelque chose que je ne puis comprendre. Pourquoi ceux qui sont opposés à la délivrance du péché, sont-ils si emportés, j’aurais presque dit, si furieux ? Combattez-vous donc pour Dieu et pour votre patrie ? pour tout ce que vous possédez sur cette terre ? pour tout ce qui vous touche de près, ou qui vous est le plus cher ? pour votre liberté, pour votre vie ? Pour l’amour de Dieu, pourquoi aimez-vous tant le péché ? Quel avantage en avez-vous jamais retiré ? De quelle utilité pensez-vous qu’il pourra vous être, soit dans ce monde, soit dans le monde à venir ? Et pourquoi êtes-vous si irrités contre ceux qui ont l’espoir d’en être délivrés ? Soyez patients envers nous, si nous sommes dans l’erreur; souffrez même que nous jouissions de notre erreur. En supposant même que nous ne puissions pas l’obtenir, la seule attente de cette délivrance est déjà une consolation pour nous, et nous donne du courage pour résister à ces ennemis, que nous espérons vaincre. Si vous pouviez nous apprendre à désespérer de cette victoire, nous ne nous occuperions plus de cette contestation. Maintenant, nous sommes sauves en espérance ; et de cet espoir même naît déjà un degré de salut. Ne soyez pas irrités contre ceux qui trouvent leur bonheur dans leur erreur. Que leur manière de voir soit juste ou erronée, votre emportement n’en est pas moins répréhensible. Supportez-nous donc, ainsi que nous le faisons à votre égard ; et voyez si le Seigneur ne voudra pas nous délivrer, s’il n’a pas le pouvoir, et la volonté de sauver à plein tous ceux qui s’approchent de Dieu par lui.