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Edition numérique © cmft, octobre 2008
Vivre sans Dieu au monde. (Eph. 2,13)
1. Les mots de ce texte seraient mieux rendus par cette phrase : athées au monde, qui paraît plus forte que celle-ci : sans Dieu dans ce monde, laquelle ne présente qu’un sens négatif et n’implique pas autre chose qu’une absence de communion avec Dieu, tandis que le mot athée, au contraire, selon le sens qu’on donne en général à ce mot, implique non seulement qu’on n’est pas en communion avec Dieu, mais aussi qu’on nie son existence même.
2. Un fait arrivé naguères, et que l’on ne saurait raisonnablement nier, puisqu’il a été vu par une foule de témoins, peut servir à jeter quelque jour sur le cas des malheureux athées. On venait de couper et de partager un chêne, quand du milieu de cette fente sortit un large crapaud, qui s’enfuit de toutes ses forces. Combien de temps avait il été là ? il est vraisemblable qu’il y avait passé cent ans ; et que son séjour dans le creux de ce chêne remontait à la plantation de l’arbre : il n’est donc pas improbable qu’il avait vécu ainsi au moins un siècle. Je dis vécu ; mais quelle vie ! qui voudrait l’envier ?
Arrêtons-nous quelques instant sur ce fait si extraordinaire, pour en retirer quelques leçons.
3. Ce pauvre animal avait les organes des sens, sans éprouver de sensation. Il avait des yeux ; mais la lumière ne pénétrait jamais dans son noir séjour : depuis le moment ou il avait été enfermé dans ce creux, il se trouvait entouré des plus épaisses ténèbres, et privé de voir le soleil, la lune, les étoiles, le monde visible, tout autant que s’il n’existait pas.
4. Comme l’air ne pouvait pénétrer dans son triste séjour, il ne pouvait pas ouïr : ses organes, ne pouvaient pas lui servir à cet égard, puisque aucune vibration d’air ne pouvait lui parvenir. Il n’y a point de motif pour croire qu’il avait des sens analogues à ceux du goût et de l’odorat : le premier de ces sens aurait été inutile à un animal qui n’avait pas besoin de nourriture ; on ne voit pas davantage comment les objets, qui réveillent le goût ou l’odorat pouvaient parvenir jusqu’à lui. S’il connaissait même le sens universel du tact, ce n’était que très peu : car comme sa position était toujours la même, les objets avec lesquels il était en contact, devaient enfin ne plus exercer d’influence sur lui ; en sorte que pendant toute son existence, heure après heure, journée après journée, il éprouvait toujours la même sensation.
5. Ce pauvre animal devait aussi être dépourvu de toute réflexion. Sa tête, quelle que fut sa nature, n’ayant aucuns matériaux, aucune idée de sensation, ne pouvait pas produire de réflexions. Il ne pouvait donc pas avoir de mémoire, d’imagination ; son activité devait encore être nulle ; et s’il avait quelques ressorts pour agir, il ne pouvait pas les exercer, car le petit espace de sa demeure ne lui permettait pas de changer de place.
6. On peut établir un parallèle très exact entre cette pauvre créature, à peine digne du nom d’animal, et un homme qui est sans Dieu au monde. Or le nombre de ceux qui sont ainsi fait la grande majorité même de ceux qui sont appelés chrétiens : Je ne veux pas dire qu’ils soient athées, dans le sens ordinaire de ce mot, car je ne crois pas que les vrais athées soient aussi nombreux que l’ont pensé plusieurs personnes : malgré toutes les observations que j’ai pu faire, il m’a été impossible pendant le cours de cinquante années d’en trouver vingt qui niassent sérieusement l’existence de Dieu ; je n’en ai rencontré que deux dans les Iles-Britanniques. Et ceux-là même, quoiqu’ils eussent fait longtemps profession d’athéisme à Londres, où ils vivaient, furent convaincus avant de paraître devant Dieu, qu’il y a un être suprême ; et ce qu’il y a de plus remarquable, ils crurent d’abord qu’il est un Dieu terrible ; puis, ils crurent que c’est un Dieu miséricordieux. Je cite ces deux faits, pour prouver qu’il y a de vrais athées dans le monde, et pour prouver surtout, que si les athées condescendent un jour à chercher la grâce, ils la trouveront pour en être aidés dans le besoin.
7. Mais je ne parle pas de ces athées, je parle des athées pratiques, de ceux qui n’ont pas Dieu dans toutes leurs pensées, qui n’ont aucune communion avec lui, et qui n’entretiennent pas plus de rapport avec l’Être suprême ou avec le monde invisible, que ce pauvre crapaud n’en entretenait avec le monde visible. Je vais m’efforcer d’établir le parallèle : veuille le Seigneur appliquer mes réflexions au cœur de ces malheureux !
8. Chaque athée pratique est, quant au monde invisible, dans une position exactement semblable à celle de ce crapaud, quant au monde visible. — Cet animal avait sans aucun doute une espèce de vie, quelle que fût sa nature : il avait certainement toutes les parties intérieures et extérieures, qui sont essentielles à la vie animale ; et de certains esprits vitaux étaient aussi positivement en circulation dans son corps. Or c’était-là une espèce de vie. Toute semblable est celle de l’athée, de l’homme qui est sans Dieu au monde. Quel voile épais existe entre lui et le monde invisible ! Quant à lui ce monde est comme s’il n’existait pas : il n’en a pas la plus petite idée ; il n’a pas la plus petite connaissance de Dieu ; il ne désire même pas le connaître ; quoique tout répète la grandeur de Dieu, cependant il ne reçoit aucun de ces accents ; il ne goûte pas le moins du monde la bonté de Dieu ; il ne sent pas, comme le dit notre église, les opérations intérieures de l’Esprit saint ; en un mot, il n’a pas plus communion avec le monde spirituel, que le crapaud, dans sa sombre retraite, n’avait communion avec le monde visible.
9. Mais quand l’Esprit du Tout-puissant frappe le cœur de cet homme, auparavant sans Dieu dans le monde, il amollit ce cœur, et rend toutes choses nouvelles. Le soleil de justice brille sur son âme, et lui révèle la lumière de la gloire de Dieu dans la personne de Jésus-Christ : il est dans un nouveau monde, tout lui parait changé. Il voit, tout autant que ses yeux ouverts depuis peu le peuvent, les saintes et magnifiques réalités du ciel ; il voit qu’il a un avocat auprès du Père, savoir Jésus-Christ le juste, par lequel il a la rémission de ses péchés ; il voit que nous avons liberté d’entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus : et la lumière qu’il reçoit, augmente de jour en jour.
10. Par suite des attraits de l’Esprit, cet homme, naguères sourd, est rendu capable d’entendre la voix de Celui qui ressuscite les morts : il n’est plus sourd aux invitations ou aux ordres, aux promesses ou aux menaces de Dieu ; mais il les entend avec joie, et y conforme sa conduite, ses pensées, ses paroles.
11. Il reçoit encore de nouveaux sens spirituels : il est rendu capable de goûter combien le Seigneur est bon ; il entre dans les lieux saints par le sang de Christ ; il éprouve la douceur inexprimable de l’amour de Jésus ; il comprend le sens de ces paroles : Ce n’est que myrrhe, aloès et casse de tous les vêtements ; il ressent l’amour de Dieu répandu dans son cœur par le St. Esprit qui lui ait donné, ou, comme le dit l’Église anglicane, il ressent dans son cœur les opérations de l’Esprit de Dieu. Toutefois on peut observer que le sens de toutes ces expressions figurées est renfermé dans un seul mot : la foi, pris dans toute son étendue ; car celui qui croit au Fils de Dieu, jouit plus ou moins de tous ces privilèges. Ce changement, ce passage de la mort spirituelle à la vie spirituelle, est à proprement parler la nouvelle naissance, dont tous les détails sont très bien exprimés par le docteur Watts dans les lignes suivantes : — réforme ma vue, ouvre mes oreilles, rends mon âme nouvelle ; donne-moi de nouvelles affections, de nouveaux désirs, de nouvelles joies ; et change en cœur affectueux mon cœur de pierre !
12. Mais avant que ce changement soit opéré , l’homme naturel peut subir plusieurs changements partiels, qu’il prend souvent pour la nouvelle naissance, et au moyen desquels, il dit, paix, paix, à son âme, quand il n’y a point de paix pour elle : et ces changements partiels s’étendent quelquefois non seulement à la réforme de quelque penchant ou de quelque passion chérie, mais aussi à la réforme des sentiments, et peuvent être accompagnés de convictions de péché, de désirs ardents, et de bonnes résolutions. D’un côté nous devons prendre bien garde, dans ces cas, de mépriser le jour des petites choses, et de l’autre côté, de prendre ces changements partiels pour une vraie conversion, pour la nouvelle naissance, pour cette transformation d’un cœur mondain, terrestre, en un cœur animé de l’Esprit de Christ.
13. Restez donc bien persuadés, que quoique vous soyez changé à plusieurs égards, rien ne vous profitera selon les institutions chrétiennes, si ce n’est tout l’esprit qui était en Christ, vous faisant marcher comme Christ a marché. Rien n’est plus certain que ces paroles : si quelqu’un est en Christ, un vrai croyant en lui, il est une nouvelle créature ; les choses vieilles sont passées pour lui, toutes choses sont faites nouvelles.
14. Nous pouvons apprendre facilement de ces observations l’immense différence qu’il y a entre le christianisme et la moralité, S’il y a quelque chose de certain c’est que le vrai christianisme ne peut exister sans l’amour et la pratique de la justice, de la miséricorde et de la vérité, — ce qui seul constitue la vraie moralité ; mais il est aussi certain que toute la moralité, toute la justice, tonte la vérité, qui est possible sans christianisme, ne profite de rien, n’est d’aucune utilité, devant Dieu, à ceux qui vivent sous la dispensation chrétienne. Je fais observer que c’est avec intention que j’ajoute cette dernière partie de la phrase : car la Bible ne m’autorise pas à juger ceux qui sont du dehors, et je ne pense pas qu’un homme vivant ait le droit de damner tous les mahométans et tous les païens : il vaut mieux les laisser entre les mains de Celui qui les a créés, qui est le Père de tous les esprits, le Dieu des païens aussi bien que des chrétiens, et qui ne hait aucune de ses œuvres. — Mais cela ne concerne en rien ceux qui invoquent le nom de Christ : ceux-ci, étant placés sons la loi chrétienne, seront jugés sans aucun doute par cette loi ; et, par conséquent, à moins qu’ils ne soient changés, à moins qu’ils n’aient de nouveaux sens, de nouvelles vues, un nouveau caractère, ils ne sont pas chrétiens. Tout justes, véridiques ou miséricordieux qu’ils soient, ils ne sont cependant qu’athées !
15. Quelques personnes à bonnes intentions vont peut-être plus loin, et affirment que l’homme, quelque soit le changement opéré dans sa vie ou dans son cœur, ne retire aucun bénéfice de la mort de Christ, s’il n’a pas des vues claires des doctrines fondamentales de l’Évangile : — la chute de l’homme, la justification par la foi, l’expiation faite par Christ, et l’imputation de la justice. Je n’ose pas dire cela. Je ne le crois même pas. Je crois que le Dieu de miséricorde regarde plus à la vie et aux dispositions des hommes, qu’à leurs idées ; je crois qu’il préfère la bonté du cœur à la clarté de l’intelligence ; et, si le cœur d’un homme est rempli, — par la grâce de Dieu et par l’énergie de l’Esprit Saint, — d’un amour vrai pour Dieu et pour l’homme, je crois que Dieu ne jettera pas cet homme dans le feu qui est réservé au diable et à ses anges, parce que ses vues ne sont pas claires, ou parce que ses conceptions sont confuses : sans la sainteté, je le reconnais, nul ne verra le Seigneur ; mais je n’ose pas dire : sans des idées claires, nul ne verra le Seigneur.
16. Mais pour revenir au texte, permettez-moi, vous tous qui êtes encore sans Dieu au monde, de vous presser de considérer que, malgré toute votre humanité, votre bienveillance et vos vertus, vous êtes encore dans les ténèbres. Chers amis ! vous ne voyez pas Dieu. Vous ne voyez pas le soleil de justice. Vous n’avez aucune communion ni avec le Père, ni avec le Fils. Vous ne connaissez pas la voix de votre Pasteur. Vous n’avez pas reçu le St.-Esprit. Vous n’avez point de sens spirituels. Vous conservez vos passions, vos joies, vos craintes, vos idées naturelles : vous n’êtes point des créatures nouvelles. Oh ! criez à Dieu pour qu’il déchire le voile qui est sur votre cœur, et qui fait que vous êtes dans une profonde obscurité même au milieu de la vive lumière répandue par l’Evangile. — Puissiez-vous aujourd’hui entendre la voix de Celui qui parle comme personne n’a jamais parlé, en disant : — lève-toi, sois illuminé ; car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s’est levée sur toi. C’est lui qui nous crie : regarde à moi et tu seras sauvé ! il dit : certainement, je viens bientôt. — Oui, Seigneur Jésus, viens !