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Edition numérique © cmft, octobre 2008
Il est impossible de lui plaire sans la foi. (Hebr. 11,6)
1. La foi est une conviction divine des choses qui ne sont pas vues maintenant, qu’elles soient invisibles par leur nature, ou qu’elles ne le soient pas : c’est plus particulièrement une divine conviction de Dieu et des choses de Dieu. Cette définition est la plus complète de toutes les définitions de la foi que l’on a données ou que l’on puisse donner, puisqu’elle renferme toutes les espèces de foi. — Cependant je n’ai pas connaissance que quelque écrivain éminent ait tracé un exposé clair et vrai des différentes espèces de foi, malgré tous les traités verbeux et fatigants que l’on a publiés sur ce sujet.
2. A la vérité, le célèbre et pieux M. La Fléchère a écrit quelque chose de ce genre dans son TRAITÉ SUR LES DIFFÉRENTES DISPENSATIONS DE LA GRÂCE DE DIEU. Il remarque, dans ce traité, qu’il y a quatre dispensations, qui se distinguent l’une de l’autre par le degré de lumière que Dieu accorde à ceux qui sont placés sous elles : un petit degré de lumière est accordé à ceux qui sont placés sous la dispensation païenne, lesquels croyaient en général qu’il y a un Dieu qui récompense ceux qui le cherchent avec zèle. Un plus grand degré de lumière était accordé à la nation juive, en tant que les oracles de Dieu, ces grandes sources de lumières, — leur avaient été confiés. Aussi plusieurs d’entre eux avaient des vues claires et élevées de Dieu et de ses perfections, de leur devoir envers leur Créateur et leur prochain, et même de cette grande promesse : la semence de la femme brisera la tête du serpent, faite à nos premiers parents, et transmise par eux à leur postérité.
3. Mais la dispensation de Jean-Baptiste était encore plus parfaite que les dispensations juive et païenne ; une lumière plus pure lui avait été accordée : il lui fut donné de voir l’agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde. Le Seigneur affirme aussi qu’entre ceux qui sont nés de femme il n’en avait été suscité, avant ce temps-là, aucun plus grand que Jean-Baptiste ; et cependant il nous informe que celui qui est le moindre dans le royaume des cieux, — la dispensation chrétienne, — est plus grand que lui. La Fléchère entend par un homme qui est placé sous la dispensation chrétienne, un homme qui a reçu l’Esprit d’adoption, qui a le témoignage de l’Esprit divin qu’il est un enfant de Dieu.
Afin d’expliquer plus au long ce sujet, je m’efforcerai premièrement, d’indiquer les différentes espèces de foi ; et secondement, je tirerai quelques conséquences pratiques.
I.
En premier lieu, j’ai à indiquer les différentes espèces de foi. Or, il serait facile de les réduire à un petit nombre d’espèces, ou de les diviser en un plus grand nombre, mais il ne me paraît pas que ce fut d’une grande utilité.
1. La plus faible foi, si c’est une foi, est celle du matérialiste, un homme qui, comme Lord Kames, croit qu’il n’y a dans l’univers que de la matière : j’ai dit si c’est une foi, car à proprement ce n’en est pas une : ce n’est pas une démonstration de Dieu, puisqu’il ne croit pas qu’un tel être existe ; et ce n’est pas une démonstration des choses invisibles, puisqu’il en nie l’existence. Car, si par pudeur, il reconnaît qu’il y a un Dieu, toujours le fait-il matériel : une de ses maximes c’est que tout ce que l’on voit, est Dieu. —Un Dieu visible, tangible ? quelle théologie ! quel non sens !
2. La deuxième espèce de foi, si vous en reconnaissez une au matérialiste, c’est la foi du déiste, lequel croit à un Dieu distinct de la matière, sans croire la Bible. — On peut distinguer les déistes en deux classes : les premiers ne sont que des brutes à forme humaine, tout à fait sous l’empire des plus viles passions ; les seconds, à plusieurs égards, sont des créatures raisonnables, quoique malheureusement elles soient prévenues contre le christianisme. La plupart de ceux-ci croient à l’existence et aux attributs de Dieu ; ils croient encore que Dieu a créé et qu’il gouverne le monde, — que l’âme ne périt point avec le corps et qu’elle restera toujours dans un état de misère ou de félicité.
3. La foi qui vient après, c’est la foi des païens, à laquelle je joins celle des mahométans. — Je ne peux que préférer cette foi à celle des déistes, parce que, quoiqu’elles embrassent à peu près les mêmes vérités, les païens et les mahométans sont plus à plaindre qu’à blâmer pour l’étroitesse de leur foi ; car s’ils ne croient pas à toute la vérité, ce n’est pas faute de sincérité, mais faute d’une plus grande lumière. Chicoli, vieux chef indien, à qui l’on demandait : pourquoi, vous hommes rouges, n’êtes vous pas aussi instruits que nous, hommes blancs ? répondit tout de suite : parce que vous possédez la grande parole, et que nous ne la possédons pas.
4. On ne peut pas douter que cette excuse ne serve à des millions de païens modernes : peu leur ayant été donné, peu leur sera redemandé. Quant aux anciens païens, dont plusieurs millions étaient sauvages, il ne leur sera redemandé que d’avoir vécu selon la lumière qu’ils avaient. Mais nous avons lieu d’espérer que plusieurs parmi eux, surtout dans les nations civilisées, avaient, quoiqu’ils vécussent avec des païens, un tout autre esprit : Dieu leur ayant enseigné par sa voix intérieure les vérités essentielles de la véritable religion. Tel était aussi le cas de cet arabe, qui a écrit, il y a un ou deux siècles, la vie de Ilai Ebu, Yokdan : histoire qui, quoique elle paraisse inventée, renferme tous les principes de la religion pure et sans tache.
5. Mais en général nous pouvons mettre la foi du juif au-dessus de celle des païens et des mahométans : par la foi du juif, j’entends la foi de ces juifs qui vécurent à commencer de l’époque où la loi fut donnée, jusqu’à la venue de Christ. — Or ceux, parmi ces juifs, qui étaient sincères, croyaient tout ce qui est écrit dans le Vieux Testament ; ils croyaient surtout que le messie viendrait dans la plénitude des temps abolir l’infidélité, consumer le pèche et amener la justice des siècles.
6. Il n’est pas aussi facile de décider la question quant à la foi des juifs modernes. Il est clair que le voile est encore sur leurs yeux, quand ils lisent Moïse et les Prophètes. Le Dieu de ce monde endurcit encore leurs cœur et aveugle leur entendement, afin que la lumière de l’Évangile ne resplendisse point à leurs yeux ; en sorte que nous pouvons dire de ce peuple, ce que le St.-Esprit disait jadis à leurs pères : le cœur de ce peuple est engraissé ; et ils ont ouï dur de leurs oreilles et ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient des yeux, qu’ils n’entendent des oreilles, qu’ils ne comprennent du cœur, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. (Actes 28,27). Cependant ce n’est pas à nous à les juger ; laissons-les entre les mains de leur Maître.
7. Il n’est pas nécessaire que je m’arrête à examiner la foi de Jean-Baptiste, et la dispensation sous laquelle il était placé, parce que, comme le dit très bien La Fléchère, ces choses lui étaient particulières. Le laissant donc de côté, la foi des catholiques romains, en général, paraît être au-dessus de, celle des anciens juifs. Si la plupart d’entre eux, sortes de volontaires en croyance, croient plus que Dieu n’a révélé, on ne peut pas nier toutefois qu’ils ne reçoivent tout ce que Dieu a révélé comme nécessaire au salut. — Nous nous eu réjouissons à cause d’eux, et nous voyons avec plaisir qu’aucun des nouveaux articles qu’ils ont ajoutés dans le concile de Trente à la foi jadis donnée aux saints, ne contredit les anciens articles, assez essentiellement pour les rendre inefficaces.
8. En général la foi des protestants embrasse uniquement ces vérités, comme nécessaires au salut, que les Oracles de Dieu révèlent clairement : tout ce qui est évidemment enseigné dans le Vieux et le Nouveau Testament fait l’objet de leur foi ; ils ne croient que ce qui est contenu dans les Écritures, ou ce qui peut être prouvé par elles. La parole de Dieu est une lampe à leurs pieds et une lumière à leurs sentiers. Ils n’osent pas sous aucun prétexte, en dévier pour aller à droite ou à gauche. La parole écrite est l’unique règle de leur foi et de leur conduite : ils croient tout ce que Dieu a révélé, et professent de pratiquer tout ce qu’il a commandé. Telle est la foi des protestants, à laquelle seule ils veulent demeurer attachés.
9. Jusqu’ici la foi n’a été considérée que comme une croyance à telle ou telle vérité, ce qui est le sens que l’on donne de nos jours à ce mot dans le monde chrétien. Toutefois il faut observer avec soin, — car l’éternité en dépend, — que la foi d’un catholique romain, et celle d’un protestant, si elles ne sont pas autre chose qu’un assentiment à telle ou telle vérité, ne sont pas plus salutaires devant Dieu que la foi d’un mahométan, d’un païen, d’un matérialiste ou d’un déiste même. Car une telle foi, peut-elle sauver l’homme ? peut-elle le sauver du péché ou de l’enfer ? Non, pas plus qu’elle n’a sauvé Judas Iscariot ; pas plus qu’elle ne peut sauver le diable et ses anges, qui sont tous convaincus que chaque lettre des Ecritures est vraie.
10. Quelle est donc la foi qui sauve, qui procure le salut à tous ceux qui la gardent jusqu’à la fin ? c’est une démonstration de Dieu et des choses divines, telle que, même dans son principe, elle rend tout homme qui la possède capable de craindre Dieu et de faire des œuvres de justice. Or l’Apôtre déclare que celui qui croit ainsi, est accepté de Dieu : mais il n’est à proprement parler que serviteur de Dieu, et pas enfant de Dieu. — II faut bien observer cependant que la colère de Dieu ne demeure plus sur lui.
11. Il y a près de cinquante ans, quand les prédicateurs appelés communément méthodistes, commencèrent à prêcher la grande doctrine du salut par la foi, ils ne connaissaient pas encore assez la différence qui existe entre un enfant et un serviteur de Dieu : ils ne comprenaient pas bien que celui qui craint Dieu et s’adonne à la justice, lui est agréable. Par suite ils étaient exposés à décourager les cœurs que Dieu ne décourageait pas : car ils demandaient souvent à ceux qui craignaient Dieu : — savez vous si vos péchés vous sont pardonnes ? et quand ceux-ci répondaient : non, ils ajoutaient, eux, tout de suite : vous êtes donc enfant du diable. —Non, la conséquence n’est pas juste : ils auraient pu dire, tout ce que l’on peut dire avec raison dans ces cas : vous n’êtes que serviteur, vous n’êtes pas encore enfant de Dieu ; vous avez grand sujet de louer le Seigneur de ce qu’il a bien voulu vous appeler à ce service honorable ; ne craignez pas ; continuez de crier à lui ; et vous verrez de plus grandes choses que celles-ci.
12. Oui, certes, les serviteurs de Dieu, à moins qu’ils ne s’arrêtent au milieu de la route, recevront l’adoption d’enfants : Dieu leur donnera la foi de ses enfants, en révélant dans leur cœur son fils unique. Ainsi la foi d’un enfant de Dieu est à proprement parler et directement une conviction divine, qui rend tout enfant de Dieu capable de dire : ce que je vis maintenant en la chair, je le vis en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé, et qui s’est donné lui-même pour moi. Et l’Esprit de Dieu témoigne à l’esprit de quiconque a cette conviction, qu’il est enfant de Dieu : c’est ce que l’Apôtre écrit aux Galates : vous êtes les enfants de Dieu par la, foi. Et parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé l’Esprit de son fils dans vos cœurs, criant Abba, Père, c’est-à-dire vous inspirant une confiance enfantine et une tendre affection pour lui. C’est cela donc, si l’apôtre Paul était enseigné de Dieu et écrivait sous l’inspiration du St.-Esprit, qui constitue la différence entre un serviteur de Dieu et un enfant de Dieu : Celui qui croit, a, comme enfant de Dieu, ce témoignage au-dedans de lui-même ; le serviteur ne possède pas cela. Cependant que personne ne le décourage ; il faut plutôt l’exhorter avec amour à attendre ce témoignage à chaque instant.
13. Il est facile de remarquer que l’on peut réduire toutes les sortes imaginables de foi à l’une ou à l’autre de celles que j’ai mentionnées. Mais recherchons les dons les plus excellents et suivons la meilleure route. Pourquoi vous contenteriez-vous de la foi du matérialiste, du païen ou du déiste, même de la foi d’un serviteur de Dieu ? Je ne sache pas que Dieu exige cela de vous. — A la Vérité, si vous avez reçu cela, vous ne devez pas le jeter, vous ne devez pas le déprécier ; au contraire vous devez en être sincèrement reconnaissant. Toutefois n’en restez pas là : allez en avant jusqu’à ce que vous ayez reçu l’Esprit d’adoption ; ne vous donnez pas de repos jusqu’à ce que cet Esprit témoigne clairement avec votre esprit que vous êtes un enfant de Dieu.
II.
Je vais, en second lieu, tirer quelques conséquences pratiques des observations précédentes.
1. J’en conclus, d’abord, que s’il y a un Dieu, bien triste est la condition du matérialiste, qui nie non seulement le Dieu qui l’a acheté, mais qui nie aussi le Dieu qui l’a fait. — Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Mais il est impossible que le matérialiste ait quelque foi, — quelque conviction d’un monde invisible, car il croit qu’une telle chose n’existe pas ; — quelque conviction de l’existence d’un Dieu, car un Dieu matériel n’est certes pas un Dieu. Vous ne pouvez pas en effet supposer que le soleil ou le ciel soit Dieu, pas plus que vous ne pouvez supposer un Dieu de pierre ou de bois. Et d’ailleurs quiconque croit que tout n’est que pure nature, doit croire que tout est gouverné par une cruelle nécessité : une nécessité inexorable comme les vents, dure comme les rochers, insensible comme les flots qui se brisent contre les malheureux naufragés ! Qui peut donc venir à ton aide, infortuné, quand tu as le plus grand besoin de secours ? Vents, mer, rochers, tempêtes, voilà les meilleurs amis que le matérialiste a à attendre !
2. Aussi triste est la condition des pauvres déistes, quelles que soient leur instruction et leur moralité ; car vous aussi, déistes, sans le savoir peut-être, vous vivez sans Dieu dans ce monde. Voyez votre religion bien développée par l’ingénieux M. Wollaston, que je me rappelle avoir vu assister, quand j’étais à l’école, aux services religieux de l’église de Charter-House. — Fait-il reposer sa religion sur Dieu ? Nullement : il la fait reposer sur la vérité abstraite. Ne veut-il pas par là entendre Dieu ? Non : il le met hors de la question et bâtit un beau château en l’air, sans le moindre rapport à Dieu. Voyez votre orateur à doucereuses paroles de Glascon, l’un des plus agréables écrivains du siècle. Dieu occupe-t-il une plus grande place dans son système que dans celui de Wollaston ? Déduit-il ses idées de vertu de Dieu, comme le père des lumières, la source de tout bien ? — Tout au contraire : non seulement il forme toute sa théorie, sans s’occuper de Dieu, mais il demande même, vers la fin de son œuvre, si une action est rendue plus vertueuse par le désir de plaire à Dieu ; à quoi il répond : « non, loin de là ; car si en faisant une action vertueuse, c’est-à-dire bienveillante, l’homme y mêle le désir de plaire à Dieu, plus ce désir est fort, moins il y a de vertu dans l’action. » — Je ne connais ni juif, ni turc ni païen qui ait si positivement renoncé à Dieu comme ce professeur chrétien !
3. Nous n’avons rien à faire pour le moment avec les juifs, les païens et les mahométans, si ce n’est qu’à désirer que leur vie ne fasse pas honte à plusieurs d’entre nous qui se nomment chrétiens ; nous n’avons rien à faire avec les membres de l’église de Rome, quoique nous ne puissions pas douter que plusieurs d’entre eux, comme l’excellent archevêque de Cambrai, ne retiennent, malgré quelques erreurs, la foi opérante par la charité. Or y a-t-il beaucoup de protestants, qu’ils appartiennent à l’Église nationale, ou à des congrégations dissidentes, qui possèdent cela ? Nous avons sujet de croire que le nombre en est grand, et qu’il s’accroît chaque jour, grâces à Dieu, dans les diverses parties de notre pays.
4. Vous qui craignez le Seigneur et pratiquez la justice, vous qui êtes serviteurs de Dieu, je vous exhorte en premier lieu, à éviter tout péché, comme vous évitez un serpent ; à pratiquer la justice, selon les forces que vous avez reçues ; à faire beaucoup d’œuvres de piété et de charité. Je vous exhorte, en second lieu, à crier sans cesse à Dieu, afin qu’il révèle son Fils à vos cœurs, pour que vous soyez ses enfants, plus que ses serviteurs, pour que son amour soit répandu dans vos âmes, et que vous marchiez dans la glorieuse liberté des enfants de Dieu.
5. Enfin je vous exhorte, vous à qui l’Esprit de Dieu témoigne que vous êtes déjà enfants de Dieu, à suivre cet avis d’un Apôtre : marchez dans toutes les bonnes œuvres pour lesquelles vous avez été créés en Christ. Puis laissant la parole qui n’enseigne que les premiers principes du Christianisme, et ne vous arrêtant pas à jeter tout de nouveau le fondement de la repentance des œuvres mortes, et de la foi envers Dieu, tendez à la perfection. Et même lorsque vous aurez obtenu une certaine mesure de l’amour parfait, lorsque Dieu aura circoncis vos cœurs, et que vous serez rendu capable de l’aimer de toute votre âme, ne pensez pas à en rester là. Cela ne se peut pas : vous ne pouvez pas rester à la même place : vous devez ou marcher, ou reculer. C’est pourquoi. Dieu crie aux enfants d’Israël, aux chrétiens : marchez en avant ! Oubliant donc les choses qui sont derrière vous, et vous avançant vers celles qui sont devant vous, courez vers le but, savoir au prix de la céleste vocation, qui est de Dieu en Jésus-Christ.