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Edition numérique © Yves Petrakian, Juillet 2003
« L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Ro 8:16.)
Que d'hommes vains, ne comprenant ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils affirment, ont tordu de tout temps ce passage au grand détriment de leur âme, si ce n'est à sa perdition! Que d'hommes ignorants ont pris la voix de leur imagination pour le témoignage de l'Esprit de Dieu, et présumé d'être enfants de Dieu tandis qu'ils faisaient les oeuvres du diable ! Ce sont là proprement, et dans la pire signification du mot, des exaltés. Mais qu'il est difficile de les convaincre de leur illusion, surtout s'ils se sont abreuvés à longs traits de cet esprit d'erreur! Alors tout ce qu'on peut faire pour les éclairer n'est autre chose à leurs yeux que faire la guerre à Dieu, et cette véhémence, cette impétuosité d'esprit qu'ils confondent avec le zèle pour la foi, les met tellement en dehors de la portée des moyens qu'on pourrait employer pour les faire rentrer en eux-mêmes, que nous pouvons bien dire à leur égard : «Quant aux hommes, cela est impossible.»
Faut-il donc s'étonner, que tant de gens raisonnables, voyant les terribles effets de cette illusion et voulant s'en tenir le plus loin possible; inclinent parfois vers un autre extrême, qu'ils ne s'empressent guère de croire ceux qui disent avoir un témoignage qui fut pour d'autres un sujet de si graves erreurs ? Faut-il s'étonner qu'ils soient bien près de noter comme exaltés tous ceux qui emploient des termes dont on a fait un si terrible abus ; et même qu'ils se demandent si le témoignage dont il est ici question est le privilège des chrétiens ordinaires, ou s'il n'est pas plutôt du nombre de ces dons extraordinaires qu'ils supposent n'avoir appartenu qu'au siècle apostolique ?
Mais pourquoi nous jetterions-nous dans l'un ou l'autre de ces extrêmes ? Ne pouvons-nous diriger notre course entre les deux et nous tenir à juste distance de l'esprit d'erreur et d'exaltation, sans nier le don de Dieu, ni abandonner le grand privilège de ses enfants ? Oui, sans doute. Eh bien ! considérons donc, en la présence et dans la crainte de Dieu : 1° En quoi consiste le témoignage de notre esprit ; quel est le témoignage de l'Esprit de Dieu; et de quelle manière il nous donne l'assurance d'être enfants de Dieu. 2° Comment ce double témoignage de notre esprit et de l'Esprit de Dieu se sépare et peut être clairement distingué de la présomption du coeur naturel et de la tromperie du diable.
I
Voyons d'abord ce que c'est que le témoignage de notre propre esprit. Mais ici je ne puis qu'engager ceux pour qui le témoignage de l'Esprit de Dieu s'absorbe dans le témoignage purement rationnel de notre propre esprit à remarquer que l'apôtre, bien loin de ne parler dans ce texte que du témoignage de notre esprit; n'en a peut-être point du tout parlé, le texte original pouvant très bien s'entendre du Saint-Esprit seul. Car on peut très bien traduire : l'Esprit lui-même ou le même Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Mais je n'insiste point là-dessus; tant d'autres textes s'accordant avec l'expérience de tous les vrais chrétiens, pour montrer que chez tout croyant il y a, à la fois, ces deux témoignages, celui du Saint-Esprit et celui de son propre esprit qui lui disent qu'il est enfant de Dieu.
Quant au témoignage de notre esprit, les passages qui l'établissent sont nombreux ; ce sont ceux qui décrivent les caractères des enfants de Dieu. Chacun peut les connaître et les comprendre. Plusieurs écrivains, tant anciens que modernes, les ont rassemblés et mis en lumière. Pour plus d'instruction, on n'a qu'à suivre les prédications de l'Evangile, méditer la Parole de Dieu en particulier, et converser avec ceux qui ont la connaissance des voies divines. Et par cette raison, par cette intelligence que Dieu nous a donnée, et que la religion doit perfectionner au lieu de l'éteindre (selon cette parole : «Soyez des enfants quant à la malice, mais des hommes faits quant à l'intelligence (1Co 14:20); par cette intelligence, dis-je, chacun peut, en s'appliquant à lui-même ces caractères, reconnaître s'il est où s'il n'est pas enfant de Dieu. Ainsi, par exemple, sachant par la Parole infaillible que tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont «enfants de Dieu,» s'il peut dire que l'Esprit de Dieu le conduit ainsi à toutes sortes de dispositions et d'oeuvres saintes, il lui sera facile d'en conclure qu'il est enfant de Dieu.
C'est à cela que se rapportent toutes ces déclarations si claires de l'apôtre saint Jean dans sa première Epître : «Par ceci nous savons que nous l'avons connu, si nous gardons ses commandements (1Jn 2:3) ; «si quelqu'un garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui, et c'est par cela que nous savons que nous sommes en Lui (1Jn 2:5)» «si vous savez qu'il est juste, sachez que quiconque fait ce qui est juste est né de Lui (1Jn 2:29).» «Quand nous aimons nos frères, nous connaissons pas là que nous sommes passés de la mort à la vie (1Jn 3:14).» «C'est à cela que nous connaissons que nous sommes de la vérité, et c'est par là que nous assurerons nos coeurs devant Lui (1Jn 3:19) ;» c'est-à-dire quand nous nous aimons les uns les autres, «non pas seulement de parole et de la langue, mais en effet et en vérité.» «A ceci nous connaissons que nous demeurons en Lui et qu'Il demeure en nous, c'est qu'Il nous a fait part de son Esprit (1Jn 4:13) ;» «et nous connaissons qu'Il demeure en nous, par l'Esprit qu'Il nous a donné (1Jn 3:24).»
Il est fort probable qu'il n'y eut jamais, depuis le commencement du monde, d'enfants de Dieu plus avancés dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, que l'apôtre saint Jean, à l'époque où il écrivit, ces paroles, et les pères en Christ à qui il écrivait. Il n'est pas moins évident que cet apôtre, et ces hommes qui étaient comme les colonnes du temple de Dieu, loin de dédaigner ces marques de leur régénération, les appliquaient au contraire à leur âme pour la confirmation de leur foi. Tout cela n'est pourtant qu'une évidence rationnelle, le témoignage de notre esprit, de notre raison, de notre intelligence ; c'est un raisonnement qui revient à dire: Ceux qui ont ces marques sont enfants de Dieu ; or nous avons ces marques ; donc nous sommes enfants de Dieu.
Mais comment reconnaître si nous avons ces marques ? C'est encore une question à résoudre. Comment reconnaître si nous aimons Dieu et notre prochain, et si nous gardons ses commandements? Remarquez bien que cette question signifie : comment pourrons-nous le reconnaître nous-mêmes, et non comment les autres le pourront-ils ? Je demanderai donc à mon tour à quiconque pose cette question : comment pouvez-vous reconnaître que vous vivez, que vous vous portez bien et ne souffrez pas? N'en avez-vous pas la conscience immédiate? Eh bien ! c'est aussi par un sentiment immédiat que vous saurez si votre âme est vivante à Dieu, si vous êtes sauvés du tourment d'un esprit orgueilleux et colère, si vous avez la paix d'un esprit humble et doux. Le même sentiment ne manquera pas de vous apprendre si votre amour, votre joie, votre plaisir est en Dieu, et c'est par là que vous saurez avec certitude si vous aimez votre prochain comme vous-mêmes, si vous avez une bienveillance de coeur pour tous les hommes, si vous êtes pleins de patience et de douceur. Et quant à la marque extérieure des enfants de Dieu, qui est, selon saint Jean, l'observation des commandements de Dieu, vous savez sans doute vous-mêmes, si, par la grâce de Dieu, elle vous appartient. Votre conscience vous dit, jour après jour, si vous ne mettez le nom de Dieu sur vos lèvres, qu'avec sérieux et dévotion, avec crainte et respect : si vous vous souvenez du jour de repos pour le sanctifier; si vous honorez votre père et votre mère; si ce que vous désirez que les hommes vous fassent vous le leur faites aussi vous-mêmes; si vous possédez votre corps en sanctification et en honneur, et si, quoi que vous fassiez, même en mangeant et en buvant, vous faites tout à la gloire de Dieu.
Tel est donc proprement le témoignage de notre esprit : la conscience d'être, par la grâce de Dieu, saints de coeur et saints dans notre conduite. C'est la conscience d'avoir reçu par l'Esprit et en l'Esprit d'adoption, les caractères que mentionne la Parole de Dieu, comme appartenant à ses enfants : un coeur qui aime Dieu et qui aime tous les hommes, se reposant avec une confiance enfantine sur Dieu notre Père, ne désirant que Lui, se déchargeant de toute inquiétude sur Lui, et entourant tout enfant d'Adam d'une sérieuse et tendre affection ; c'est la conscience d'être rendus intérieurement conformes, par l'Esprit de Dieu, à l'image de son Fils, et de marcher devant Lui dans la justice, la miséricorde et la vérité, en faisant les choses qui Lui sont agréables.
Mais qu'est-ce que cet autre témoignage, ce témoignage de l'Esprit de Dieu qui vient se joindre à celui de notre esprit? Comment témoigne-t-il «avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu?» Il est difficile d'expliquer «les choses profondes de Dieu» dans le langage des hommes. Il n'y a réellement pas de mots qui puissent rendre parfaitement ce qu'éprouvent les enfants de Dieu. Mais peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou en rendant plus fortes mes expressions) : le témoignage de l'Esprit est une impression directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par laquelle il témoigne à mon esprit que je suis enfant de Dieu; que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi ; que tous mes péchés sont effacés et que moi, oui moi-même, je suis réconcilié avec Dieu.
Ce témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui de notre esprit; c'est dans la nature des choses, comme une simple considération va le montrer. Avant de nous sentir saints de coeur et de vie, avant que notre esprit puisse nous rendre témoignage que nous sommes saints, il faut que nous le soyons devenus au dedans et au dehors. Mais pour être saints il nous faut aimer Dieu, puisque c'est là la racine de toute sainteté. Et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime. Nous l'aimons parce qu'il nous a aimé le premier. Or c'est le témoignage de l'Esprit qui seul peut nous faire connaître l'amour de Dieu et nous assurer de son pardon. Puisque ce témoignage du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il précède aussi nécessairement le témoignage de notre propre esprit.
Lorsque l'Esprit de Dieu dit à notre âme : Dieu t'a aimé et il a donné son Fils en propitiation pour tes péchés ; le Fils de Dieu t'a aimé et il t'a lavé de tes péchés par son sang ; -- alors, et alors seulement, «nous aimons Dieu parce qu'Il nous a aimés le premier,» et nous aimons aussi nos frères à cause de Lui. Et s'il en est ainsi, nous ne pouvons pas l'ignorer ; nous «connaissons les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu.» Nous savons que nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements, et c'est aussi «par là que nous savons que nous sommes de Dieu.» C'est là le témoignage de notre esprit, qui, aussi longtemps que nous continuons à aimer Dieu et à garder ses commandements, continue à nous assurer, d'accord avec. le Saint-Esprit, que nous sommes enfants de Dieu.
Qu'on n'aille pas croire pourtant que je veuille distinguer ces deux témoignages au point d'exclure l'opération de l'Esprit de Dieu même du témoignage de notre propre esprit. Non, ce n'est point ma pensée. C'est Lui qui non seulement produit en nous tout ce qui est bon, mais qui met en lumière sa propre oeuvre et fait connaître clairement ce qu'Il a accompli en nous. Car, d'après saint Paul, l'un des grands buts pour lesquels nous recevons l'Esprit, c'est afin que «nous connaissions les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu,» c'est pour qu'Il fortifie le témoignage que notre conscience rend et à notre simplicité et à notre sincérité devant Dieu, et pour qu'il nous donne de reconnaître à la faveur d'une plus parfaite lumière, que nous faisons maintenant les choses qui sont agréables au Seigneur.
Si l'on demandait encore : Comment l'Esprit de Dieu rend-il témoignage avec notre esprit que nous sommes les enfants de Dieu, de manière à exclure tout doute, et à mettre bien au jour la réalité de notre adoption ? La réponse est claire d'après les remarques qui précèdent. Et d'abord, quant au témoignage de notre esprit, il est aussi facile à l'âme de savoir quand elle aime Dieu, quand elle prend son plaisir en Lui, que de savoir quand elle aime un objet terrestre quelconque, et y trouve son bonheur. Et si elle aime et est dans la joie, elle ne peut pas plus en douter que de sa propre existence. Si donc il est exact de dire Celui qui maintenant aime Dieu d'un amour obéissant, qui se réjouit en Lui d'une humble et sainte joie, est enfant de Dieu ; or j'ai cet amour et cette joie, donc je suis enfant de Dieu , -- si c'est là un raisonnement solide, il n'est pas possible, dans le cas supposé, qu'un chrétien doute d'être enfant de Dieu. Pour lui, la première proposition est aussi certaine qu'il est certain que la Bible est de Dieu, et quant à son amour pour Dieu, il en a en lui-même une preuve qui va jusqu'à l'évidence. Ainsi le témoignage de notre propre esprit nous est manifesté avec une si intime certitude, qu'il met la réalité de notre adoption au-dessus de tout doute raisonnable.
Quant à la manière dont le témoignage divin se manifeste au coeur, je ne prends point sur moi de l'expliquer. C'est une connaissance «trop haute pour moi, et si élevée que je n'y saurais atteindre.» Le vent souffle où il veut ; j'en entends le son, mais je ne sais ni d'où il vient ni où il va. Comme l'esprit d'un homme connaît seul ce qui est en lui, ainsi l'Esprit de Dieu connaît seul les choses qui sont de Dieu. Mais quant au fait nous le connaissons ; nous savons que l'Esprit de Dieu donne au croyant un tel témoignage de son adoption que, pendant qu'il le possède, il ne peut pas plus douter qu'il est enfant de Dieu, qu'il ne peut douter que le soleil brille, quand il reçoit en plein ses rayons.
II
Mais comment ce témoignage réuni de l'Esprit de Dieu et de notre esprit peut-il être clairement et
solidement distingué de la présomption de l'esprit naturel et de la tromperie du diable ? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner. Et il est bien urgent, pour tous ceux qui désirent le salut de Dieu, de méditer ce sujet avec la plus sérieuse attention, afin de ne pas séduire leur propre âme. Une erreur sur ce point a généralement les plus fatales conséquences, surtout parce que ceux qui s'abusent ne découvrent guère leur illusion que lorsqu'il est trop tard pour y remédier.
Et d'abord comment distinguer ce témoignage de la présomption du coeur naturel ? Il est certain qu'une âme qui ne fut jamais sous la conviction de son péché, est toujours prête à se flatter et à avoir d'elle-même, surtout pour les choses spirituelles, une plus haute opinion qu'elle ne devrait. Faut-il donc s'étonner que celui qui est enflé de son sens charnel, entendant parler de ce privilège des vrais chrétiens parmi lesquels il ne manque pas de se ranger, parvienne bientôt à se persuader que déjà il le possède ? Le fait est commun à l'heure qu'il est, et les exemples en ont toujours abondé dans le monde. Comment distinguer le vrai témoignage d'avec cette fatale présomption ?
Je réponds que les Écritures multiplient les signes caractéristiques auxquels on peut les distinguer ; elles décrivent de la manière la plus claire, les circonstances qui précèdent, qui accompagnent et qui suivent le vrai et authentique témoignage de l'Esprit de Dieu et de l'esprit du croyant. Quiconque voudra remarquer et peser avec soin ces circonstances ne sera pas dans le cas de prendre les ténèbres pour la lumière. Elles lui montreront tontes une si immense différence entre le vrai et le prétendu témoignage de l'Esprit, qu'il n'y aura pour lui ni danger ni même, en quelque sorte, possibilité de les confondre.
Celui qui présume vainement d'avoir le don de Dieu pourra, s'il le veut, connaître avec certitude par ces signes, qu'il a été livré jusqu'ici, «à une erreur efficace,» et qu'il a cru au mensonge. Car l'Écriture nous présente comme précédant, accompagnant et suivant ce don, des marques qu'avec tant soit peu de réflexion il reconnaîtrait n'avoir jamais été dans son âme. Ainsi l'Écriture décrit la repentance ou conviction de péché, comme précédant invariablement ce témoignage de pardon. «Repentez vous, car le royaume des cieux est proche (Mat 3:2) ;» «repentez-vous et croyez à l'Évangile (Mr 1:15) ;» «repentez vous, et que chacun de vous soit baptisé pour obtenir la rémission des péchés (Act 2:38) ;» «repentez-vous et vous convertissez, afin que vos péchés soient effacés (Act 3:49) ;» et l'Église anglicane, d'accord avec ces paroles, met aussi toujours la repentance avant le pardon et le témoignage du pardon. «Il pardonne et absout tous ceux qui se repentent et croient sincèrement à l'Évangile.» «Le Tout-Puissant promet le pardon des péchés à tous ceux qui, avec la repentance du coeur et la vraie foi, se tournent vers Lui.» Mais celui qui s'abuse est étranger même à la repentance ; il ne sait ce qu'est un coeur contrit et brisé; le souvenir de ses péchés ne lui a jamais été douloureux, et s'il a répété avec la liturgie que «le fardeau de ses transgressions lui est insupportable,» il l'a toujours fait sans sincérité ; c'était une politesse qu'il faisait à Dieu. Or ne fût-ce que pour le défaut de cette première oeuvre de Dieu, de la repentance, il n'a que trop lieu de craindre de n'avoir saisi jusque-là qu'une vaine ombre, et de n'avoir encore jamais connu le vrai privilège des enfants de Dieu.
De plus, l'Écriture décrit la nouvelle naissance qui doit nécessairement précéder le témoignage qu'on est enfant de Dieu, comme un grand et puissant changement -- comme «un passage des ténèbres à la lumière,» «de la puissance de Satan à Dieu,» «de la mort à, la vie,» comme «une résurrection d'entre les morts.» C'est ainsi que l'Apôtre écrit aux Ephésiens : «Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés... mais lorsque nous étions morts dans nos fautes, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ ;et il nous a ressuscités ensemble et nous a faits asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ (Eph 2:1,5,6).» Mais l'homme dont nous parlons connaît-il un tel changement ? Il ne sait rien de tout ceci. Nous lui parlons une langue inconnue. Il assure avoir toujours été chrétien. Il ne sait pas quand il aurait eu besoin de changer ainsi. Ce fait même, s'il se permet un peu de réflexion, lui montrera qu'il n'est pas né de l'Esprit ; qu'il n'a point encore connu Dieu ; mais qu'il a pris la voix de la nature pour la voix de Dieu.
Mais laissons en suspens la question qui se rapporte à ce qu'il a pu éprouver ou ne pas éprouver dans le passé ; il y a dans le présent des marques auxquelles on distingue aisément un enfant de. Dieu d'une âme qui s'abuse présomptueusement. L'Écriture décrit cette joie en Dieu qui accompagne le témoignage de son Esprit, comme une joie humble, comme une joie qui abaisse jusque dans la poussière, qui porte le pécheur reçu en grâce à s'écrier : «Je suis un homme vil ;» «que suis-je, et quelle est la maison de mon père ?» «Maintenant mon oeil t'a vu et je me condamne et me repens sur la poudre et la cendre.» -- Or, où se trouve l'humilité, se trouve la débonnaireté, la patience, la douceur, le long support ; un esprit conciliant, une délicatesse, une tendresse, une bonté d'âme qu'aucune expression ne peut rendre. Mais ces fruits accompagnent-ils ce prétendu témoignage de l'Esprit que s'attribue la présomption ? Bien au contraire, plus le présomptueux se persuade d'avoir la faveur de Dieu, plus il est vain, plus il s'élève, plus il est hautain et arrogant dans toutes ses manières. Et en proportion de l'évidence qu'il croit posséder de son adoption, il est plus tyrannique pour ses alentours, plus incapable de supporter une répréhension, plus impatient de la contradiction. Au lieu d'être plus débonnaire, plus doux, plus docile, plus prompt à écouter et plus lent à parler, il est plus lent à écouter, plus prompt à parler, plus dédaigneux de toute instruction, plus violent, plus véhément dans son caractère, plus empressé dans sa conversation. Peut-être même remarque-t-on souvent une sorte de férocité dans son air, dans son langage et dans toute sa conduite, comme s'il allait se mettre à la place de Dieu et consumer lui-même les adversaires.
Enfin l'Écriture enseigne que l'amour de Dieu consiste à garder ses commandements (Jea 5:3), L'obéissance est la preuve certaine de cet amour. Le Seigneur dit lui-même : «Celui qui garde mes commandements, c'est celui-là qui m'aime (Jea 14:21).» L'amour se plaît à obéir, à faire en tout point ce qui est agréable à l'être bien-aimé. Celui qui aime Dieu s'empresse de faire sa volonté sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Mais est-ce là le caractère de celui qui se persuade présomptueusement d'aimer Dieu ? Ah! il l'aime, mais d'un amour qui lui donne toute liberté de désobéir et de violer ces commandements au lieu de le pousser à les garder. Peut-être, lorsqu'il était sous la crainte de sa colère, travaillait-il à faire sa volonté. Mais maintenant qu'il se regarde comme n'étant plus sous la loi, il ne se croit plus tenu de l'observer. Il est donc moins zélé pour les bonnes oeuvres, moins soigneux d'éviter le mal, moins observateur de son coeur, moins attentif à tenir en bride sa langue. Il a moins d'ardeur à se renoncer lui-même et à se charger chaque jour de sa croix. En un mot, toute l'apparence de sa vie est changée, depuis qu'il s'est imaginé être en liberté; on ne le voit plus «s'exercer à la piété,» «combattre non pas seulement contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances,» «endurer les travaux,» «s'efforcer d'entrer par la porte étroite.» Non, il a trouvé un chemin plus commode pour aller au ciel, un chemin large, uni, semé de fleurs, où il peut dire à son âme : «Mon âme, repose-toi, mange, bois et te réjouis.» Il est évident, d'après cela, qu'il n'a pas vraiment le témoignage de son propre esprit. Il ne saurait avoir la conscience de posséder ce qu'il ne possède pas, l'humilité, la douceur, l'obéissance. L'Esprit de vérité ne peut non plus confirmer un mensonge, ni lui rendre témoignage qu'il est enfant de Dieu, pendant qu'il est manifestement enfant du diable.
Ouvre les yeux, ô toi pauvre pécheur qui te séduis toi-même ! -- toi qui t'assures d'être enfant de Dieu, toi qui dis : J'ai le témoignage en moi-même et je puis défier tous mes ennemis ! Tu as été pesé à la balance, à la balance du sanctuaire, et tu as été trouvé léger. Ton âme, mise au creuset de la parole du Seigneur, s'est trouvée un argent réprouvé. Tu n'es pas humble de coeur, tu es donc étranger jusqu'à ce jour à l'Esprit de Jésus. Tu n'es pas doux et débonnaire, ta joie est donc vaine ; ce n'est pas la joie du Seigneur. Tu ne gardes pas ses commandements, donc tu ne l'aimes point et tu n'as point été fait participant du Saint-Esprit ! Si donc les oracles de Dieu sont certains, il est certain que son esprit ne rend pas témoignage avec ton esprit que tu es enfant de Dieu. Oh ! demande avec de grands cris que les écailles tombent de tes yeux ; que tu puisses te connaître tel que tu es connu ; que tu reçoives la sentence de mort en toi-même, jusqu'à ce que la voix qui ressuscite les morts se fasse entendre à ton âme, disant : «Aie bon courage ; tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a sauvé!»
Mais, direz-vous, comment celui qui a, vraiment le témoignage en lui-même le distinguera-t-il de la présomption ? Et comment distinguez-vous la lumière des ténèbres ? la clarté d'une étoile ou d'un pâle flambeau, de l'éclat du soleil en plein midi ? N'y a-t-il pas entre ces deux une différence inhérente, visible, essentielle ? Et n'apercevez-vous pas immédiatement cette différence, pourvu que vos sens soient en bon état.
De même, il y a une différence inhérente, essentielle, entre la lumière spirituelle et les ténèbres spirituelles, entre la clarté dont le soleil de justice inonde nos coeurs, et les pâles lueurs qui proviennent des étincelles que nous avons nous-mêmes allumées, et pourvu que nos sens spirituels soient en bon état, nous apercevons également bientôt cette différence.
Mais si l'on insiste, et si l'on demande une explication plus exacte et plus philosophique de la manière dont s'observe cette différence, et des critères ou signes intrinsèques auxquels on distingue la voix de Dieu, c'est faire une demande qui dépasse les limites de la capacité même de celui qui possède la connaissance la plus profonde de Dieu. Si, lorsque Paul eut rendu compte de sa conversion devant Agrippa, le sage Romain lui eût dit : «Tu as entendu la voix du Fils de Dieu? Mais comment sais-tu que c'est réellement sa voix ? Quels sont les critères, les signes intrinsèques de la voix de Dieu ? Explique-moi la manière de la distinguer d'une voix humaine ou angélique?» Pensez-vous que l'apôtre lui-même eût essayé de résoudre une question si vaine ? Et pourtant on ne peut douter que du moment qu'il entendit cette voix, il ne sût que c'était la voix de Dieu. Mais comment le sut-il ? C'est peut-être ce que ni homme ni ange ne pourrait expliquer.
Soyons plus rigoureux encore : Dieu dit maintenant à une âme : «Tes péchés te sont pardonnés;» Il veut sans doute que cette âme reconnaisse sa voix, autrement il parlerait en vain. Et il peut faire qu'elle la reconnaisse, car il n'a qu'à vouloir, et ce qu'il veut s'accomplit. Et c'est ce qui a lieu. Cette âme est absolument assurée que cette voix est la voix de Dieu. Néanmoins, celui qui a ce témoignage en lui-même ne peut l'expliquer à qui ne l'a pas ; et il ne faut pas même s'attendre à ce qu'il le puisse. S'il existait quelque moyen ordinaire, quelque méthode naturelle, pour expliquer les choses de Dieu à qui ne les éprouve point, il s'ensuivrait que l'homme naturel pourrait discerner et connaître les choses de l'Esprit de Dieu, ce qui est directement contraire à cette déclaration de saint Paul, «qu'il ne peut les connaître, parce qu'elles se discernent spirituellement,» c'est-à-dire par des sens spirituels que n'a pas l'homme naturel.
«Mais comment connaître si mes sens spirituels sont en bon état ?» Cette question aussi est d'une immense importance; car si l'on se trompe à cet égard, on peut se jeter dans des illusions sans fin. -- Et qui me dit que ce n'est pas là mon cas et que je connais bien la voix du Saint-Esprit? -- Ce qui vous le dit, c'est précisément le témoignage de votre esprit ; c'est «la, réponse d'une bonne conscience devant Dieu.» C'est par les fruits qu'il a produits dans votre esprit que vous connaîtrez le témoignage de l'Esprit de Dieu ; c'est par là que vous saurez que vous ne vous faites aucune illusion et que vous ne vous abusez point vous-mêmes. Les fruits immédiats du Saint-Esprit dans un coeur où il règne, sont l'amour, la joie, la paix, les entrailles de miséricorde, l'humilité d'esprit, la débonnaireté, la douceur, le support. Et, au dehors, ils consistent à faire du bien à tous, à ne faire de mal à personne, à marcher dans la lumière, à rendre une obéissance empressée et constante à tous les commandements de Dieu.
Ces mêmes fruits vous feront distinguer cette voix de Dieu de toute séduction du diable. Cet esprit orgueilleux ne saurait te rendre humble devant Dieu. Il ne peut ni ne veut toucher ton coeur ni en fondre la dureté et la glace, d'abord par la repentance, et ensuite par l'amour filial. L'ennemi de Dieu et des hommes te disposerait-il à aimer les hommes ou à te revêtir de débonnaireté, de douceur, de patience, de tempérance et de toute l'armure de Dieu ? Il n'est pas divisé contre lui-même ; il n'est pas le destructeur du péché qui est son oeuvre. Non, il n'y a que le Fils de Dieu qui vienne «détruire les oeuvres du diable.» Autant il est certain que la sainteté est de Dieu et que le péché est du diable, autant il est certain que le témoignage que tu as en toi, n'est point du diable, mais de Dieu.
Tu peux donc bien t'écrier : «Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable !» Grâces soient à Dieu qui me donne de savoir en qui j'ai cru; qui a envoyé dans mon coeur l'Esprit de son Fils, criant Abba, Père ! et rendant en ce moment même témoignage avec mon esprit que je suis enfant de Dieu ! -- Et que ta vie, aussi bien que tes lèvres, publie sa louange. Il t'a «scellé» pour Lui-même; «glorifie-Le donc dans ton corps et dans ton esprit qui Lui appartiennent.» Bien-aimé, si tu as dans ton âme cette espérance en Lui, purifie-toi toi-même, comme Lui aussi est pur. «Contemple» l'amour que le Père t'a témoigné en t'appelant enfant de Dieu, et en même temps «purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant la sanctification dans la crainte de Dieu,» et que toutes tes pensées, tes paroles et tes oeuvres soient un sacrifice spirituel. saint et agréable à Dieu, par Jésus-Christ !